Etrange nouvelle par Christian Pagès


 Le texte suivant a été écrit puis dit en scène dans "page blanche, page grise, page bleue"
   par Christian Pagès. Ecriture et jeu d'acteur.Monologue étrange. Pour un acteur seul et rêveur.


Nouvelle à dire

Etrange
J’ai beau tourner en rond, et dans tous les sens, je ne me retrouve pas.

 Je vois bien que je suis perdu. Je ne sais plus où je suis.

Il n’y a pas si longtemps, à moins qu’il y ait longtemps, peut être,

j’étais quelque part.

C’était très clair.

Et je savais où j’en étais. Aucune confusion possible.

Mais maintenant, j’ai beau me chercher partout, et sans cesse, je ne me retrouve plus.

C’est bizarre, ou plutôt, non, c’est étrange.

            Bon ! Concentrons nous . J’étais …

 je me souviens de cette image , dans les miroirs , de ces sensations ,

de ces émotions ;

 j’étais … je me souviens de ces découvertes , de l’étonnement , des rires ,

des larmes même ; oui , je me souviens , je me souviens .

Je veux dire , je crois , il me semble , je ne sais plus bien .

J’ai un peu oublié , peut-être .

Et puis les miroirs mentent tellement , que voulez-vous ?

Ce n’est pas de ma faute .

 Alors comment peut-on croire en la mémoire  si elle reflète des miroirs menteurs ?

Je vous le demande. Cette pensée me rassure, d’ailleurs .

 On a raison d’oublier , un peu , ou tout à fait .

 On risque moins ainsi d’être abusés par les déformations des fausses lumières .

              Ah ! La lumière ! Je m’en méfie .

Méfiez vous de la lumière . C’est trompeur , ces bêtes-là !

Ca vous blanchit , ça vous jaunit , ça  vous creuse , ça vous enlaidit , ça vous aveugle ,

 bref ,  ça vous trahit . Il n’y a pas pire ennemi , pour un homme honnête .

La lumière , les spots , les fards , les projecteurs , la gloire , la renommée , non ,

je m’égare .

Je disais , oui , la lumière – et vous disparaissez , vous n’existez plus ,

vous coulez sous les éclats de brillance et sous les rayons qui vous brûlent ,

jusqu’à éteindre tout de vous .

               Tenez , prenez le soleil ! Il vous attire tranquillement , au chaud ,

dans une émotion vague et complice qui vous rend vite dépendante et passive .

               Puis , l’air de rien , il vous laisse quelques traces, au passage ,

 d’abord agréables , puis cruelles , enfin il profite de votre docilité fautive pour

vous marquer à vie .

C’est comme les femmes . Elle vous attire  , vous amadoue , vous accapare ,

vous attache , puis vous enchaîne, et vous capitulez , meurtri , et mis en pièces .

Et pour recoller les morceaux , Je vous dis pas , comme c’est difficile ,

 après .   Silence )


               Qu’est-ce que je disais , moi ? Hein ?

               Ah ! Oui , recoller les morceaux .

Eh ! Ben ! Ils vont avoir du mal , eux . Bon !
 

Recoller les morceaux . Mais comment voulez vous faire ?

Comment voulez vous recoller un bonhomme qu’a éclaté en morceaux ?

Expliquez moi ? Hein ?

Vous avez la recette , vous ? Non ! Ben ! Moi non plus .

         Les psy , Peut-être , ils savent . Faut leur demander .

Y a un psy , dans la salle ?

 Ouais ! Ben , reste où t’es .

Au prix où ils sont , t’as intérêt à garder des morceaux en réserve , sinon ,

ils t’éplucheraient jusqu’au ………

Je veux dire , pour trouver des lueurs de conscience en toi  , ils te mettront

en friche  .

Et je te dis pas le chantier , t’en as pour des plombes .

         Moi , je suis perdu . A force de perdre des miettes de moi ,

j’ai fini par me dissoudre .



On s’aimait . Je l’aimais . Elle m’aimait .

Bon ! Je vais pas faire toute la conjugaison , peut-être .

C’est ça , on était paumés . Et puis tout s’est enchaîné , très vite . 

Les rires , les larmes , les sentiments contraires , les cris , les douleurs ,

les doutes , les certitudes , les départs .

Voilà ! Je suis  partie ; c’est ça , ça doit être ça – j’ai dû partir . Pas d’un coup,

pas tout de suite . Non ! Peu à peu . Un peu , à chaque fois . Comme éclairée ,

puis brûlée, puis aveuglée par une lumière grandissante .

 Aspirée par la lumière , je me suis noyé dedans . C’est ça .



Oui ! Je me souviens . C’est … très clair !

Morceau après morceau , puis tout à fait , entier .

           Je suis donc parti . C’est étrange . Je ne m’en souviens pas .

 Je n’ai pas le souvenir d’être parti .

J’ai même la sensation contraire , j’ai l’impression d’être resté .

C’est ça qui me gêne le plus .

Ce n’est pas d’être parti , c’est d’avoir la sensation d’être resté , qui me gêne .

           Je voudrais bien partir , un peu ; pour voir , pour savoir , pour m’éloigner ,

pour exister à nouveau , pour exister autrement , pour exister ,  peut-être , enfin . 

Mais comment retrouver ma lumière ? Elle qui m’a été volée .

           Une idée , j’ai une idée , je crois que je tiens l’idée .

C’est ça . Il doit rester , quelque part en moi , une source de lumière ,

 une étincelle , un point de vie , d’espoir .

C’est là , uniquement là , que je dois chercher , trouver , le chemin , pour

reconstruire, pour recoller , pour renaître , pour exister .

           Je vais chercher en moi , lentement , tranquillement .

Il me faut juste trouver le bon chemin , ou le bon guide . Ils existent , c’est sûr .

           A propos ! J’avais un guide ? Je l’ai perdu . Ou est- il passé ?

Et si je partais à sa recherche ? Peut-être que , …lui aussi … me cherche ?

 Le texte suivant est un extrait du livre "ma parole" par Christian Pagès

Les mots
La parole est un acte magique qui peut offrir des pouvoirs ou jeter des sorts.
 Méfiez-vous donc de ces mots qui blessent, de ces mots assassins, de ces assassins qui parlent pour ne rien dire et vous assomment sans même vous voir
 Quels sont ces chemins que l'on prend où l'on entend les mots des autres résoner dans notre mental déjà si chargé de pollutions diverses?

 Quels sont ces intentions plus ou moins avouées qui nous font prendre des sentiers où l'on se perd à travers les ronces de ces mots semés dans des friches où l'on perd son temps, sa vie qui passe si vite et son individu qui ne sait pas où il va et par quoi il s'autorise à passer?
 Arrêtez le temps! Cessez donc de circuler, de passer et repasser. Soyez là, dans l'instant, dans l'espace choisi où votre place se dessine enfin.
 Ne dites plus bonjour, bonsoir, merci et autre chose sans y penser vraiment, sans être dans le mot, dans l'intention, le sentiment, sans être vous, vous-même, à l'instant où le mot jaillit fort de vous et de vos dons à l'autre.
 Arrêtez de circuler, de passer, de repasser, de vous presser, de traîner, fatigué d'avoir trop gigoté.
Arrêtez! Soyez à l'écoute, en attente, prêt à l'action vraie.
 Et soyez vigilant car les mots tuent, épuisent, vous prennent votre énergie. Ils sont le reflet des âmes qu vous entourent, pas toujours fortes, souvent maussades.
 Ne vous laissez pas distraire par des mots vides ou des flèches perdues, des balles folles, des pensées lourdes de mauvaises ondes.
 La parole est d'argent mais le silence est d'or. Et en argent on fait les meilleures munitions. Même les vampires savent ça.
Dessins Christian Pagès

 Ceux qui vous vampirisent de leurs mauvais mots et de leurs mauvaises pensées ne savent tout simplement pas qu'ils ne font que se noyer parmi ces ronces qui poussent dans les friches de leur vie triste et grise.
 Souvenez  vous de tous les mots qui vous ont blessés. De ceux que l'on vous a servi pour vous dire de ne pas agir, de ne pas croire, de ne pas "rêver".
Vous avez le droit d'agir, de croire, de rêver. C'est l'énergie même de votre vie.
 Ne croyez plus les vampires de vie et d'énergie. Que ce soit ceux qui prétendent vous aimer ou les autres. Les premiers vous font encore plus mal . Les autres vous écrasent sans même vous apercevoir.
 Méfiez-vous des mots!
 Mots et langage, outils maîtres.

  Christian Pagès

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire